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qu’elles ne peuvent pas par elles-mêmes, et dépendent du bon plaisir d’un autre, élu du hasard, monarque héréditaire, qui se trouve, par droit de naissance, juge de tous les genres de mérite — ou par droit de conquête ; mais ceux-là sont pires encore ; ils sont, à l’idée, des Genséric ou des Attila. — C’est enfin partout l’ordre monarchique, c’est-à-dire de la faveur, de l’intrigue et de l’abus, non de la liberté et de la justice. On se plaint du manque de forces viriles ; mais au lieu de s’employer à produire, elles sont employées à lutter. Ce qu’on trouve au début de la vie, ce n’est pas la route frayée, c’est le hallier, c’est l’obstacle. Combien s’arrêtent à mi-chemin, las, désespérés, dans cette impuissance terrible, à laquelle la capacité, le courage même ne peuvent remédier, parce que tout dépend d’un choix, d’une rencontre, d’une protection. Ceux qui arrivent, épuisés, fourbus, vieillis, ne songent plus qu’au repos, et ce sont ces forces éteintes qui partagent avec les élus du hasard ou les parvenus de l’intrigue, l’empire du monde. Les forces jeunes et pures n’y sont nulle part maîtresses, et c’est ainsi qu’à l’encontre des lois de la nature, la sénilité domine la virilité ; que le passé tue l’avenir ; qu’au lieu de marcher en avant, l’humanité trépigne sur place ; que toutes les nobles inspirations avortent sous la direction caduque de l’égoïsme et de la pusillanimité ; que les élans généreux, les idées fécondes, dont malgré tout est gonflé le sein de l’homme de ce siècle, n’aboutissent qu’à la platitude des faits.


L’humanité a dans ses archives, et relit avec délices l’histoire — toujours la même sous différents noms — de cet homme de génie, qui après maintes épreuves, où il