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peut mesurer la haine amassée à cette heure dans le cœur des veuves, des pères, des filles, des frères, des orphelins ? — Ah ! c’est en tuant qu’on répond à nos revendications ; eh bien, il ne sert plus de parlementer. — À la fin, la défense devient l’attaque. À la rage sauvage, répond la rage sauvage. Les hommes du peuple ne sont pas des philosophes stoïques. Qui peut s’en indigner ? Sont-ce les lettrés qui les tuent ? Ou même ceux qui les laissent tuer ?

Je reviens à mon rêve d’union, tout insensé qu’il soit. Il ne faut pourtant jamais désespérer. Quelquefois, quand les châteaux brûlent, il y a des nuits du 4 août.

Le grand point qui divise les démocrates libéraux et les socialistes, c’est la question du capital, la même, sous une forme plus précise, que cette question de liberté et d’égalité, dont je parlais tout à l’heure. Je ne puis songer à la traiter ici avec étendue ; je veux seulement indiquer un fait aussi vrai que peu compris généralement : c’est que la plus grande partie de la bourgeoisie, toute la bourgeoisie moyenne et pauvre, souffre autant que le peuple du régime actuel du capital.

Tout le monde connaît, et plaint, l’avenir du jeune homme sans fortune, frais bachelier, qui se présente, plein d’espérance, et avec toute l’ambition que confère l’éducation classique, au combat de la vie. S’il a du talent, il a de grandes chances d’être écrasé, soit par l’ineptie, soit par l’envie ; s’il a du génie, il est à peu près perdu ; s’il a du caractère, la chose n’est pas douteuse.

Pourquoi ? — Parce que les forces naturelles, ardentes, généreuses, sont en ce monde comme des bras de noyé, qui ne trouvent rien où s’accrocher. Parce