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sous les balles de l’Hôtel-de-Ville, dans un effort désespéré pour arracher Paris aux mains des misérables qui l’ont perdu, il les accuse d’avoir vendu leur mort aux Prussiens, et parle encore effrontément des intérêts de la défense.

C’est après cinq jours et cinq nuits de massacre, après que des milliers d’hommes qui avaient mis bas les armes, ont été fusillés par les soldats, que ce bon M. Thiers trouve dans son cœur un élan d’indignation, au sujet d’un officier fusillé, dit-il, par ces scélérats, sans respect pour les lois de la guerre.

Le mot est introuvable, et tout cela dans son genre est fort réussi. — Mais où allons-nous ? Que deviennent la langue, le sens moral, la foi humaine, dans cet effroyable abus ? Faut-il attendre que le vocabulaire souillé n’ait plus de mots à l’usage d’une bouche honnête ? Honnête ! ce mot lui-même est flétri. Tout ce qui appelait autrefois le respect, maintenant appelle le sourire, éveille l’ironie. La langue noble et sérieuse n’existe plus. Cela est effrayant, car ce n’est pas seulement la langue qui se perd, mais tout ce qui unit véritablement les hommes et consolide leurs rapports. C’est la base de tous les sentiments naturels et vrais, la confiance, qui disparaît ; c’est la probité sociale qui succombe, laissant la vie commune aussi stérile, et moins sûre, que le désert. Et l’on se plaint du relâchement des mœurs, de l’affaissement des caractères ! Quand, à ce qu’on nomme le sommet social, en pleine lumière, sont affichés, comme un exemple à tous les yeux : le mépris des serments, la débauche, le meurtre, la calomnie et l’hypocrisie de métier, devenue cynique !