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maine sanglante, pendant laquelle 42, 000 cadavres — ce sont leurs journaux qui le disent — jonchèrent le sol de Paris ? Les prisons suffisaient en 93 ; il leur faut aujourd’hui des plaines à Versailles et des pontons dans les ports. La terreur tricolore l’emporte de toute la supériorité de la mitrailleuse sur la guillotine ; de toute la distance qui sépare dans le mal, la préméditation de l’emportement. La guillotine, au moins, ne tuait qu’en plein jour et ne tranchait qu’une vie à la fois. Eux, ils ont tué huit jours et huit nuits d’abord ; puis, la nuit seulement, pendant plus d’un mois encore. Deux personnes honorables, qui habitent deux points opposés des environs du Luxembourg, m’ont affirmé avoir encore entendu, dans la nuit du 6 juillet, les détonations lugubres.

J’ai beau faire. Je ne vois du côté de la Commune que 64 victimes — si l’on persiste à lui attribuer l’exécution des ôtages, qu’elle n’a pas ordonnée — et de l’autre, j’en vois, suivant le chiffre le plus bas, 15, 000 — beaucoup disent 20, 000. — Mais qui peut savoir le compte des morts dans une tuerie sans frein, dans un massacre sans jugement, dont toute la règle est le plus ou moins d’ivresse du soldat, le plus ou moins de fureur politique de l’officier ? Demandez aux familles qui cherchent en vain un père, un frère, un fils disparu, dont elles n’auront jamais l’extrait mortuaire.

Quand on contemple de tels faits et qu’on voit la réprobation s’attacher… à qui ? aux victimes ! on est étourdi, et l’on se demande quelle est cette plaisanterie qu’on nomme l’opinion, la conscience humaine ? Oui, ce sont les égorgeurs qui accusent ! Le monde n’est rempli que de leurs cris ! Et c’est aux égorgés qu’on re-