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maient des ponts aériens d’un arbre à l’autre, et s’abattaient, de là, rampantes, sur le sol ; de vieux pommiers, qui donnaient du gui ; un bosquet dont le sumac, sans façon, occupait tout l’intérieur ; un vieux cadran, dont la tête avait roulé dans les herbes et dont le piédestal servait de place publique aux lézards. Le mur s’écroulait, et les haies étaient déchirées. Sur les rosiers greffés, l’églantier mêlait ses branches folles au feuillage des Noisette ou des Bourbon.

Sidonie eut un long soupir en pensant au jardin de Boisvalliers, où elle avait tant laissé d’elle-même, de son travail, de ses créations, de son âme : douleurs ou rêveries. Ici, tout se trouvait à recommencer. Et quelle œuvre ardue ! Elle se sentit pourtant de la tendresse pour ces coins de sauvage exubérance, où tout s’entrelaçait en désordre et se promit d’en respecter la beauté. Assez lui restait à faire ailleurs.

Aussitôt après son installation, elle dut faire des visites dans toute la commune, en commençant par les notables du lieu. Comme à Boisvalliers, la bourgeoisie était rare, mais il s’en formait une nouvelle dans les familles de riches paysans, dont les fils allaient au collége et les filles au couvent. Au nombre de ces gros propriétaires, qui habitaient Messaux ou les environs, se trouvait — était-ce une fatalité de l’existence de Sidonie ? — Ernest Moreau, qui depuis la mort du père de sa femme était venu se fixer dans cette commune, où était situé leur domaine le plus important.

Sidonie ne pensait qu’à cela, depuis l’avis de son changement. Ferait-elle cette visite ? Mais comment s’en dispenser ? Com-