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— Ah ! madame, cette pauvre enfant, comme elle était pâle ! L’avez-vous vue ? Elle regrette tant Boisvalliers ! qui sait ?… On a été bien dur envers elle. Elle avait ses petits ridicules et ses défauts, mais… Avez-vous vu quand elle a dit adieu au chien des Favrart ? ça m’a fait venir les larmes. Après tout, ce n’étaient pas de mauvaises personnes : un peu fières au commencement ; mais depuis que les belles robes sont usées. Pauvres gens ! Et l’on ne sait pas encore qui on aura. Savez-vous ? Je tiens de bonne source.

Au chagrin d’une défaveur qui l’humiliait, à la peine de quitter des habitudes faites, des sympathies et des souvenirs toujours chers, à de secrètes souffrances, se joignaient pour l’institutrice les dépenses du déménagement, énormes pour un tel budget. Il fallut se priver, s’humilier, subir mille piqûres et enfin laisser une dette à Boisvalliers. Mme Jacquillat partit malade et Sidonie cruellement ulcérée. Une seule impression lui causa une douceur mêlée de poignant regret : c’était le sentiment qu’elle avait inspiré à M. Favrart et dont elle ne vit la profondeur qu’au moment de leurs adieux. Du jour où fut décidé le départ de Sidonie, ce vieil érudit au cœur d’enfant se montra bouleversé, mais resta silencieux. À la dernière heure, quand elle vint elle-même, vivement émue, lui serrer la main, une larme roula sur la joue du capitaine.

— Vous m’étiez nécessaire, murmura-t il.

C’en était trop pour la pauvre enfant ; elle fondit en larmes, et ce fut une scène bien touchante en vérité pour les voisins et voisines qui entouraient la charrette, lorsqu’elle y monta, le visage couvert de son mouchoir.