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qu’elle souleva, de nouvelles illusions tombèrent pour Sidonie. Elle sentait sa vie ainsi se dépouiller, feuille à feuille, comme un arbre flétri par un vent mortel. Non, jamais ces douces charges de la famille ne lui seraient imposées à elle ; et pourquoi ? Ce n’étaient pas les forces qui lui manquaient ; elle était jeune ; elle était vaillante ; elle n’avait pas encore trente ans ; elle eût ambitionné les joies de la lutte pour des êtres chers ; mais ses forces, on les limitait, on lui enlevait ce stimulant de l’intérêt personnel qui, dans des existences aussi dépourvues, a d’autant plus de puissance ; car moins la vie a d’objets, plus elle se concentre avec intensité sur ceux qui lui sont offerts.

Pour la première fois, cette jeune fille, élevée dans le respect de la tradition, fut conduite à demander compte à la vie sociale des douleurs qui lui étaient faites et à poser, en face des faits, son propre droit. Le sentiment de l’injustice dont elle était victime la porta à considérer d’un autre œil l’ensemble des choses ; et sans aller bien loin dans cette voie, le doute et la défiance succédèrent en elle au respect irréfléchi. Ce regard jeté autour d’elle la sauva de l’aigreur qu’inspire la souffrance aux égoïstes. Elle vit bien qu’elle n’était pas seule à souffrir, et son cœur, en même temps qu’il éprouvait les soulèvements de la révolte, en fut attendri.

Telles étaient les dispositions de Sidonie, quand la crise électorale éclata à Boisvalliers. Il n’y eut pas seulement, dans ces élections mémorables, assaut de haines, d’insultes et de morsures, les flatteries, les séductions, les promesses, le vin y coulè-