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avait pour elle des attentions marquées. Elle rougit, hésita, voulut se réfugier dans le rêve de ses regrets. Mais l’amour de l’amour l’emporta, elle voulait vivre, être aimée. Elle fut insultée par des espérances coupables et si grossièrement évidentes, qu’elle ne put s’y tromper longtemps. La douleur de ce nouveau coup fut profonde et lui fit sentir, dans toute sa force, la brutalité de l’arrêt qui la condamnait, bannie de la famille par sa pauvreté, à être dédaignée comme épouse, outragée comme femme.

Elle voyait à Boisvalliers la famille de l’instituteur, les Maigret. C’étaient de bonnes gens, mais dont les actes et les pensées, tout le train de vie, étaient commandés par les intérêts matériels. Entre Mme Maigret et son mari, l’union conjugale n’était autre chose qu’une association. Cette paysanne, assez grossière et dépourvue de toute éducation, élevait bravement ses enfants, soignait son bien et recommandait à sa fille de ne pas épouser un instituteur.

— C’est de l’eau à boire, disait-elle souvent. Sans mes lopins de terre ; jamais nous n’aurions pu élever notre famille.

Elle était pourtant assez fière de son mari ; mais lui rougissait un peu de sa femme.

Sept ans s’étaient écoulés depuis l’installation de Mlle Jacquillat à Boisvalliers, quand éclatèrent dans cette commune de grandes dissensions qui la partagèrent en deux camps ennemis. Ces deux camps, il faut le dire, avaient toujours existé ; la dérivation des eaux d’une citerne, dans un pré appartenant au cousin du maire, avait été un de ces incidents qui déchaînent les passions et mettent à jour les faiblesses humaines. L’autorité avait forte-