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de temps en temps, quand elle se disait : Il n’a jamais su combien il était aimé !

Et sur tant de bonheurs, qu’elle eût voulu lui donner, sur tant de richesses enfermées dans son cœur, et qui devaient y rester enfouies et vaines, elle versait des larmes de regret.



CHAPITRE III

Les aspirations de la vie sont partout les mêmes ; mais dans les petits centres ruraux, où les jours passent en n’apportant que des heures, ces aspirations prennent un caractère de fixité qui les rend à la fois plus calmes et plus intenses ; leur énergie se concentre au cœur, et les détails vulgaires de l’existence les recouvrent, comme dans une forêt les lierres, les lichens, les pariétaires habillent l’arbre sans rameaux, où la sève s’endort.

Des années s’écoulèrent, simples agglomérations de jours semblables. Chaque soleil levant emplissait la petite classe de l’institutrice de Boisvalliers, et chaque soir, à l’heure où les moineaux inquiets cherchaient leur pâture et se rassemblaient dans les ormeaux de la petite place, en face de l’école, s’ouvrait la porte vitrée par où l’essaim bruyant et criard des petites sauvages s’échappait et se répandait sur la place, se divisait pour s’écouler en divers courants. Ce tumulte était un des sujets d’affliction de Mme Favrart et de beaucoup d’autres personnes comme il faut, pénétrées comme elle de cet idéal de l’éducation féminine qui consiste dans l’automatisme du corps et de l’esprit. « Mlle Jacquillat ne tient pas suffisamment ses élèves ; elle ne leur