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mais entre paysans seulement ; les propriétaires bourgeois, non résidents, mouraient à la ville. De suite, les pensées se tournèrent vers les pompes de l’enterrement. On se raconta d’avance le drap noir, les gros cierges, les voitures ; car la campagne des Urchin était à deux kilomètres du village, et l’on y courut comme à un spectacle. Le fils Urchin avait fait les choses grandement ; la porte de l’église et le chœur étaient tendus de noir ; il donna le pain bénit, et figura dans une douleur convenable à l’enterrement de ses quarante ans de tyrannie.

Sidonie avait dû mener sa classe à l’église. Elle causait encore, le soir, avec sa mère, de la cérémonie funèbre, quand Léontine entra brusquement. Elle avait l’air important et concentré, causa beaucoup des Urchin, et quand Sidonie l’alla reconduire :

— Ah ! ma chère, lui dit-elle en passant le bras autour de sa taille, voilà une mort qui me marie ! C’est mon glas de noce !

— En vérité, dit Sidonie, si ce mariage vous paraît si triste, pourquoi le feriez-vous ?

— Pourquoi ? Voilà une étrange question. Est-ce votre vocation à vous de rester vieille fille ? Les femmes n’ont que le mariage. Il faut bien s’en arranger, n’importe avec qui. C’est à peu près convenu depuis longtemps entre M. Urchin et ma mère. Je n’ai pas dit non. Pourquoi le dirais-je ? Si je vivais dans le monde, j’aurais tâché de choisir ; mais ici ! Épouser Ernest Moreau, nos deux familles n’y consentiraient