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Quel sujet de commentaires pour ses heures de solitude ! et de distractions le reste du temps ! À peine retirée dans sa chambrette, Sidonie analysait le passé, forgeait l’avenir. Dans ces rêveries, l’imagination tient peu compte des faits ; elle vole à son but. Que de fois elle se vit couronnée de fleurs d’oranger, dans l’église de Boisvalliers ! Les parents Moreau la gênaient un peu ; mais elle faisait ce sacrifice à l’amour. À ses yeux, Ernest devint un héros de tendresse et de loyauté ; elle le faisait penser, parler, agir, puis elle l’adorait. Cependant, il continuait de se taire. Il était seulement plus respectueux depuis la scène du lavoir, et le respect n’excluait pas la tendresse.

Tout à coup une grande nouvelle retentit dans Boisvalliers : Mme Urchin se meurt ! Mme Urchin est morte ! Ce fut un étonnement profond. Quoi ! il n’y aurait plus de Mme Urchin à Boisvalliers ! Cette petite vieille sèche, hautaine, impérieuse, elle et sa canne, et ses chapeaux de forme si particulière, et son carrosse qui datait d’avant la Révolution, sauf qu’on lui avait plusieurs fois remis des roues, des essieux, des brancards, des portières et des capotes, mais dont il restait les panneaux peints et la lourdeur, cette petite vieille si dure et si respectée, qui composait à elle seule toute la bourgeoisie riche de l’endroit, et semblait partie intégrante de Boisvalliers, où tout le monde l’avait connue de tout temps, elle s’en allait de ce monde ! Grand événement ! Révolution véritable ! On mourait à Boisvalliers comme ailleurs, de loin en loin,