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Elle voulut, mais faiblement, la retirer. Il la serra davantage.

— Oh, monsieur Ernest ! balbutia-t-elle.

— Eh bien, dit-il, ému aussi, vous ne me pardonnez pas ?

— Mais… vous ne l’avez pas fait exprès.

— Oh non ! non, bien sûr, ce que je ferais exprès, ce serait de vous être agréable, si je pouvais ; car vous êtes si bonne, vous, mademoiselle Sidonie, et si charmante ! C’est vous qu’on doit aimer !

D’un mouvement subit, chaleureux, il l’attira vers lui du côté de l’ombre, entoura de son bras la jeune fille et lui donna un brûlant baiser.

Éperdue, elle ne trouva que l’instant d’après la force de s’arracher des bras du jeune homme, et bien, qu’ayant partagé l’émotion de ce baiser, sa délicatesse, froissée, la fit fondre en larmes. Lui-même parut désolé ; il se répandit en protestations, en excuses ; et tout à coup, il sortit de la cabane brusquement et disparut.

Elle resta confuse, étonnée, froissée, et pourtant ravie. Elle se disait : Il m’aime ! elle pensait avec délices qu’elle avait l’amour dans sa vie, à elle, enfin ! Cependant elle ne comprenait pas bien la conduite d’Ernest. Que n’était-il resté quelque temps encore ? Que ne s’étaient-ils expliqués mieux ? Mais elle ne resta pas longtemps livrée tout entière à ses pensées. Depuis déjà deux ans, un peu depuis toujours, le devoir la tenait sous son joug, pliée à toutes sortes de prescriptions minutieuses, constantes.

ANDRE LÉO

(À suivre)