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de ces racines de hêtre, qui percent le sol, tordues et jaspées comme des couleuvres, mettait en danger l’équilibre des promeneurs, et suscitait de petits cris de la part des dames. L’amphitryon et son fils étaient venus reconduire leurs hôtes. Le premier donnait le bras à Mme Favrart, le second à Léontine. Mme Jacquillat était accompagnée de M. Favrart, et Sidonie et Ernest fermaient la marche. Le jeune Moreau se taisait ; la tête penchée en avant, il semblait chercher à saisir la conversation de Léontine et de son compagnon, qui laissaient de temps en temps éclater des rires moqueurs. Un faux pas de Sidonie rappela son attention vers elle, et il serra le bras de la jeune fille contre sa poitrine.

— Il y a des gens, dit-il ensuite, d’une voix un peu amère, qui ne peuvent se passer de leur chien tant qu’ils n’ont personne ; mais dès qu’il leur vient du monde, ils le mettent à la porte à coups de pieds. Ces gens-là manquent de cœur, n’est-ce pas, mademoiselle Sidonie ?

— Oui, dit-elle d’une voix émue ; car elle comprenait l’apologue et ne se sentait pas elle-même exempte de tout blâme à cet égard.

— Eh bien ! reprit Ernest, quant à moi, je suis que c’est une jolie chose que l’esprit ; mais ce n’est pas tout, et je préfère qu’on ait du cœur, surtout pour une femme.

— Vous avez raison, murmura-t-elle.

ANDRE LÉO

(À suivre)