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à la campagne, sans bruit, sans événements, sans flots, comme un cours d’eau en plaine. À l’automne, arrivèrent les propriétaires des environs, qui résidaient le reste de l’année à la ville, et ce fut tout à coup un grand mouvement dans Boisvalliers. Léontine se livra avec enthousiasme aux visites, aux parties champêtres. Quoique traitées peut-être d’un peu haut, Mmes Jacquillat furent engagées. On trouva Sidonie fort bien. Les jeunes gens surtout furent de cet avis. Elle eut de ces succès qui n’engagent à rien, ne vont à rien ; mais qui l’enfiévrèrent d’illusions. L’astre d’Ernest Moreau s’éclipsa. Le fils du maire brillait peu en effet à côté de ces jeunes gens instruits, élégants, qui le raillaient volontiers, et ne l’admettaient que par grâce en leur compagnie. Sidonie se sentit humiliée dans son rêve secret.

Peut-être se fût-il complétement effacé, quitte à recommencer l’hiver, mais alors bien plus semblable aux préoccupations d’une fille à marier qu’au rêve d’une amante, sans un tête-à-tête qu’ils eurent un soir : c’était en septembre, au retour d’une campagne voisine de Boisvalliers, où l’on avait dîné. Les courtes vacances de Sidonie étaient tout près de finir, et elle y pensait avec tristesse. Il était environ dix heures, il faisait sombre : le chemin était bordé d’un côté par de grands bois, de l’autre, le terrain s’avalait vers des espaces indécis, creux, épais d’ombres, parmi lesquels une ligne plus noire marquait le cours des grands peupliers. Le pied glissait doucement sur le gazon, où çà et là craquaient de vieilles gousses de faiuca ; mais de temps en temps quelqu’une