Page:Leo - L Institutrice.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui triompha, ce furent ses vingt ans ; elle s’endormit. Pour les jeunes imaginations, le sort est un machiniste qui tient sûrement en réserve, à leur service, des trucs merveilleux. Sidonie ne doutait pas encore de la vie : les épreuves subies trop tôt ne comptent pas.

Au milieu de ces préoccupations, la classe à Boisvalliers se faisait ni plus ni mal que partout ailleurs. Chaque jour, entre la ténacité douloureuse de la maîtresse et la force d’inertie des enfants, se livrait une bataille rangée, où la syllabe, la diphtongue, les neuf parties du discours, le roi Pharamond, Joseph et ses frères, la table de Pythagore, l’unité, le nombre, étaient autant de projectiles qui, bien que lancés d’une main sûre par Sidonie, rebondissaient sur le front d’airain des insurgés et revenaient tomber à ses pieds. Chaque matin on se réunissait tristement pour le supplice commun, et chaque soir on se séparait avec transport, l’institutrice aspirant silencieusement, mais avec délices, l’air de la liberté ; les petites, plus expansives, avec des cris de joie qui retentissaient longtemps dans la grande rue du village, mêlés aux mugissements des troupeaux et aux chants des coqs effarouchés.

Sidonie eut encore d’autres soucis. M. le curé n’était pas aimable pour ces dames. Il leur parlait d’un ton froid et les taquinait un peu, se plaignant que les petites ne savaient pas bien leur catéchisme. Hélas ! était-ce bien la faute de Sidonie, qui, à force de le seriner, l’eût récité d’un bout à l’autre, même en dormant. Non, c’était comme la grammaire ; ces perverses petites créatures n’en voulaient pas. Et c’était bien