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échapper un — Vraiment ! — fort étouffé, que sa mère crut ironique.

— Je leur ai dit… et il m’a fallu bien de la prudence pour n’en pas dire davantage ; mais nous ne pouvons pas nous brouiller avec le maire, puisqu’on va chercher des maires dans cette classe-là. Je leur ai dit, d’un air qui aurait été bien compris dans notre monde, qu’ils se trompaient et que cela n’était pas possible, en appuyant sur le mot. — Oh ! bien, m’a répondu la Bourie, vous êtes alors du même avis que M. et Mme Moreau. Ils disent aussi que ça ne se fera point et se fâchent si on leur en parle. C’est des gens qui veulent de la fortune, et en attendant que leur fils s’en mêle, c’est eux qui font la cour à la fille des Arnaux, de Troissereur, une fille unique, et, ma foi ! joliment pourvue… — Es-tu folle de mettre tant de poivre ! qu’as-tu donc ?

— Oh ! rien, murmura Sidonie, je t’écoutais.

Elle pleura beaucoup, le soir, dans sa petite chambre. Ce rêve, qui s’était fait en elle, sans réflexion, de juvénile instinct, d’amour et de poésie un peu vaporeuse, tremblait au contact des réalités. Fils de paysan ! Elle aussi, ce mot la faisait souffrir. Dans leurs entrevues sous le ciel, au bord de la rivière, dans les prés, celui qu’elle voyait en lui surtout, c’était le jeune homme gai, bon, complaisant, compagnon d’âge, objet naturel de sa rêverie. Mais sa mère venait de la rappeler aux préjugés d’orgueil dont elle avait été bercée, — Et cette fille des Arnaux !… Comme elle eut voulu la connaitre ! Était-elle jolie ? La jalousie, la vanité, l’amour se livraient ainsi combat dans son cœur. À la fin, ce