tantes du monde occulte de l’œuf et du germe, qui barbotaient sous la surveillance d’une oie blanche et grise, aux ailes puissantes, au cou menaçant ; des papillons jaunes, lourds, humides encore, échappés de la chrysalide, passaient d’un vol incertain ; des moucherons dansaient dans les rayons ; et sur l’eau tranquille, s’étalaient dormantes les grandes feuilles du nénuphar. La tête de Sidonie ployait sous le poids de vagues rêveries ; elle ne suivait qu’à demi la conversation de Léontine, qui, impitoyablement, au travers de tout cela, traitait son sujet favori : les souvenirs du monde élégant où elle avait jusque-là vécu.
Elles aperçurent un homme, venant à elles dans l’allée. C’était Ernest Moreau. Il les aborda poliment ; il avait l’air, ce jour-là, très doux. Pourquoi Léontine fut-elle si méchante ? Sidonie en souffrit vraiment ; pour la première fois, à l’air dont il prit tout cela, elle pensa que ce jeune homme ne manquait ni de douceur ni de bonté ; elle en fut même attendrie. Ils revinrent bientôt sur leurs pas ; Léontine bataillait toujours, mais plus doucement ; elle dépassa le sentier qui ramenait au village, s’engagea dans les prés le long de l’eau, et Sidonie la suivit sans y songer. Le bateau des Moreau se trouvait là sous les aulnes, coupant l’eau qui se ridait autour de sa quille. Ernest y sauta, prit la perche et invita les jeunes filles à monter. Sidonie n’osait pas ; elle craignait que ce ne fut pas convenable. Mais Léontine mit le pied sur la barque en disant :
— Nous fier à vous !
Le jeune homme, la tirant brusquement