Page:Leo - L Institutrice.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teté. Quand la femme n’est pas artiste par nature, elle le devient par situation.

D’ailleurs, l’indiscrétion du bel Ernest était peu matinale, et c’était surtout le soir que, frôlant la haie, il adressait à Mlle Jacquillat un salut suivi de quelques paroles, quand elle n’était pas trop loin. Si Léontine à cette heure-là se trouvait près de son amie, ce qui arrivait souvent, elle s’approchait de la haie, Sidonie la suivait, et un colloque plus ou moins animé s’engageait. C’était Léontine surtout qui en faisait les frais. Elle s’y montrait piquante, malicieuse, on eût pu dire agaçante ; et la courtoisie peu solide du jeune Moreau, mise à l’épreuve par ces incessantes escarmouches, y succombait parfois, avec assez de dommage pour la dignité de Mlle Favrart. Celle-ci ripostait alors vivement, rompait la conversation en emmenant Sidonie. Une fois, la jeune institutrice demeura, et d’une voix douce reprocha au jeune homme son impolitesse.

— Aussi, dit-il durement, on ne peut savoir ce qu’elle pense, ni ce qu’elle veut… Ah ! vous valez bien mieux, vous, ajouta-t-il en regardant Sidonie d’un œil où brillait… Était-ce de la tendresse ? ou simplement cet éclat que la jeunesse, comme le soleil, prête à tout ce qu’elle touche. Sidonie devint toute rouge et prit à peine le temps de lui souhaiter le bonsoir.

Léontine avait-elle eu raison de prétendre qu’à la longue on devenait moins difficile à Boisvalliers ?

Il est certain que le jeune Moreau occupait une position très forte : il était le seul.