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tombent que de loin en loin dans le lac dormant des existences villageoises. Devant tous ces regards, la mère composait dignement son attitude, la fille paraissait triste et timide. Comme ils passaient, longeant une grille, devant une maison plus grande que les autres, bâtie en briques et couverte d’ardoises, au milieu d’un jardin divisé en quatre carrés, par des allées coupées à angle droit :

— Voilà la maison de M. le maire, dit le conducteur.

Et il ajouta en soulevant son chapeau :

— Bonsoir, m’sieur Ernest.

Ce salut s’adressait à un jeune homme qui, debout dans une allée, fumait en regardant la route et les passants. Il était de grande taille, et son attitude, ainsi que sa physionomie, annonçait un parfait contentement de lui-même. Son chapeau seul, plus petit de forme, et sa cravate, plus élégamment attachée, le distinguaient des paysans, dont il portait la blouse et les gros souliers. En répondant au salut du conducteur, il se pencha vivement pour considérer les deux femmes avec plus de curiosité que de convenance. Un peu plus loin se présenta une autre maison bourgeoise plus élégante, mélangée de briques et de pierres de taille, et qu’une vigne vierge couvrait presque de son feuillage rougissant ; et le charretier dit encore :

— Ça, c’est la maison de Mme Favrart.

Cette indication ne provoqua point de questions nouvelles. En approchant du lieu inconnu où leur destin les conduisait, ces deux femmes éprouvaient l’oppression d’une vague inquiétude. Presque immédiatement d’ailleurs, le cheval s’arrêta devant la mai-