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faute, car il avait l’air tout charmé, et dans ses yeux brillait une clarté comme la lumière du matin dans la rosée.

— Quoi ! mademoiselle Sidonie, c’est vous qui bêchez votre jardin ?

— Oh ! répondit-elle, sans pouvoir revenir de sa confusion, c’est seulement pour voir… pour m’amuser.

— Eh bien ! vous ne vous y prenez pas si mal ; mais vous en auriez pour longtemps, au moins. Avez-vous un journalier ?

— Non… pas encore. Nous avions parlé à Grollard ; mais il demande si cher !

— C’est un paresseux ; ne le prenez pas. Je vous enverrai quelqu’un de raisonnable, et en attendant, ne vous fatiguez pas comme ça. Diable ! je n’ai pas votre courage, moi. Je n’en bêcherais pas tant ! Vous feriez mieux de venir m’aider à prendre du poisson.

— Oh ! vous allez à la pêche ?

— Oui, c’est pourquoi je me suis levé si tôt, parce qu’autrement j’aime bien à rester au lit. Mais quand on veut que ça morde, il ne faut pas attendre que la truite ait déjeuné. Comme ça, vous ne venez pas m’aider, mademoiselle Sidonie ?

— Oh ! je ne puis pas.

— Bah ! pourquoi ? Vous me porteriez bonheur. Le poisson viendrait pour vous voir et crac…

Le madrigal manquait d’élégance ; mais il y avait longtemps que Sidonie n’avait entendu de compliments ; et puis, il y a dans la jeunesse en elle-même une poésie qui dépasse de beaucoup celle du langage et le supplée. Quand Ernest Moreau se fut éloigné, Sidonie se retrouva tout émue, tout agitée. Elle revint à la maison, et tout d’abord, en