Page:Leo - L Institutrice.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

douta point qu’elle n’eût fait en peu de temps d’abord le carré, puis le jardin tout entier. Au bout d’un quart d’heure cependant, elle se sentit hors d’haleine ; les mains lui faisaient mal, et ses jambes tremblaient un peu. S’appuyant sur la bêche fichée en terre, elle se redressa en respirant largement. Oh !… que devint-elle en apercevant, de l’autre côté de la haie, deux yeux qui la regardaient ? et quels yeux, ceux du jeune Moreau !

Ce jardin de l’école était une bande de terre assez longue, accidentée de pommiers, de pruniers et de cerisiers en plein vent, que bornait à droite de la maison le mur de M. Favrart ; à gauche, entre deux haies, un sentier par lequel on se rendait du village à la rivière. Au bout, des prés parmi lesquels la ligne ondulée des grands peupliers marquait le cours du Thérain. C’était à ce bout du jardin, où le sol en pente et bien exposé au soleil réclamait les premières cultures, que Sidonie était venue travailler, un peu aussi parce qu’elle s’y croyait moins exposée aux regards curieux ; et voilà que précisément ce jeune homme… Les joues de Sidonie, déjà empourprées par la fatigue, se colorèrent encore ; elle s’efforça de sourire ; mais l’embarras et la contrariété se peignaient dans ses yeux. Elle était au fond très mortifiée ; car enfin comment se trouvait-elle ? Une jupe du matin, une petite veste de flanelle par dessus sa camisole, et ses cheveux qui, débordant de dessous son bonnet de nuit, s’étaient répandus sur ses épaules. N’était-ce pas inconvenant ?… Oh ! qu’elle en voulait à cet indiscret !

Il ne semblait pas qu’il s’aperçût de sa