L’école, — et nous avons vu ce qu’était l’école pour Sidonie, — l’intimité un peu sèche, parfois difficile de Léontine, le raccommodage des bas et des vêtements, le souci de l’épargne, poussée jusqu’à ses dernières limites, et les distractions du dimanche soir, voilà donc tous les éléments positifs dont se composait la vie de l’institutrice. Était-ce bien suffisant ?
Elle ne le trouvait pas et portait en confession à l’oreille du curé ses dégouts de la tâche, sa langueur morale, son manque de résignation, d’âpres tristesses qui la saisissaient parfois sans cause déterminée. Cet homme, auquel en public elle parlait à peine, revêtu d’un surplis dans la boîte du confessionnal, devenait tout à coup son confident plus intime qu’elle-même ; car il fallait expliquer, sonder, commenter. « Le devoir, disait-il sans cesse, doit vous suffire. » Elle aussi voulait le croire, mais non point son cœur, qui, saisi d’inquiétude, aspirait à des joies vivantes, ou, du moins, à des devoirs plus personnels et plus doux.
Au printemps, une passion la prit, ce fut le soin du jardin. Elles avaient fondé sur sa culture beaucoup d’espérances. En présence des lacunes de leur budget, leur imagination effrayée s’en était prise aux récoltes possibles et même improbables que leur devait fournir ce petit coin de terre, qui devint pour elles le champ des rêves. Mais si la terre donne plus qu’elle n’a reçu, pourtant lui faut il faire des avances ; le prix des engrais, de la main-d’œuvre, effraya les deux pauvres femmes.
(À suivre)