Page:Leo - L Institutrice.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enseignante et militaire, sont considérées comme équivalentes.

Imbue de l’esprit d’autorité, trop jeune encore pour oser penser par elle-même, Sidonie éprouvait toutes les fatigues, toutes les susceptibilités, toutes les amertumes de son emploi, et répétait, après tant d’autres, en soupirant, qu’instruire les enfants était une tâche bien ingrate.

Elle ajoutait : « surtout à la campagne », car n’ayant jamais enseigné ailleurs, elle pensait volontiers, non sans apparence de raison, que le peu d’intelligence de ses élèves tenait à leur race et à leur milieu. Il y avait là, au fond, un sentiment de mépris qui diminuait son espoir d’agir sur ses élèves d’une façon heureuse et achevait d’enlever à sa tâche tout attrait.

Les soirées se passaient entre elle et sa mère, dans le labeur assidu de l’aiguille. Ne pouvant payer aucun service, ne fallait-il pas tout faire soi-même, tricoter les bas, raccommoder les vêtements et les transformer un peu, par besoin d’élégance et de fraîcheur ; la pauvre enfant était encore à cent lieues de comprendre que sa position lui interdisait d’être jolie. Dès ce moment, pourtant, l’imputation de coquetterie était attachée à son nom, et l’on ne parlait pas dans le village et les environs, de l’institutrice de Boisvalliers, sans ajouter : Vous savez, celle qui aime tant la toilette !

Le dimanche, Mmes Jacquillat allaient d’habitude passer la soirée chez Mme Favrart, où elles dinaient aussi de temps en temps. Elles y rencontraient invariablement le même personnel, c’est-à-dire les Urchin, le curé et le jeune Moreau, aux-