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de façon assez gentille. Les maisons fort espacées avaient chacune son jardin, bouquet de verdure ; au-dessus des toits de chaume, garnis de mousses et de fleurs sauvages, montaient les fumées ; au pied des maisons, inclinées sur le versant, coulait une rivière ; bordée de grands peupliers.

Mais l’homme, il faut l’avouer, n’avait pas mis autant d’art que la nature à parer ce lieu. En entrant dans ce village, dont l’attitude coquette eût de loin séduit un peintre, le charme s’évanouissait ; à la porte de chaque maison, la courtine (amas de fumier) s’étalait dans sa majesté carrée, baignant à sa base dans les flaques de noir purin où l’éther ne dédaignait point cependant de mirer son front bleuâtre et de décomposer en rayons violets ses dernières lueurs. De là, s’élevaient d’âpres émanations, qui se croisaient dans l’air, avec les senteurs des bois et des prés descendant sur le village, et produisaient d’étranges courants, tantôt parfumés et tantôt fétides. À côté des guenilles qui pendaient aux maisons, des plantes grasses et des herbes folles revêtaient les murs de leur grâce exquise ; les yeux bleus des enfants, qui mordaient leur pain au seuil des portes, éclataient dans un masque barbouillé. C’était un mélange de laideur et de beauté, de trivialité et de poésie.

Au passage de la charrette, plusieurs têtes se penchèrent curieusement aux fenêtres, et des propos s’échangèrent avec une certaine animation. L’arrivée de ces deux étrangères et la vue de ce long véhicule constituaient de ces événements qui ne