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sait les inconvénients. Je suis dans une assez bonne pension, mais chère ; il me faut, outre ma chambre, un cabinet pour mes élèves. J’ai quelques leçons particulières ; — puis il faut que j’aille dans le monde, et que je sois bien mis, ma seule planche d’avenir étant un bon mariage. Une chemise par jour, deux paires de gants par semaine, des attentions quelquefois coûteuses pour les maîtresses de maison qui me reçoivent, et surtout pour la proviseuse, les cigares, le café, la pension, le logement, et pour tout cela quinze cents francs d’appointements, c’est un problème à devenir fou. Au moins vous n’êtes forcées à rien de tout cela dans votre village, que je me surprends à désirer parfois, pour y échapper à tant de soucis « dans une paix profonde » et y refaire l’équilibre de mon budget. Ma foi, la vie de garçon, dans des conditions si étroites, n’a point de charmes, et si je pouvais trouver une jeune personne à ma convenance, pourvue seulement d’une soixantaine de mille francs de dot, tu aurais une bru. » La lettre se terminait par beaucoup de tendresses et de câlineries pour la chère maman et la petite sœur, et ces passages, elles les relurent plusieurs fois. Pourtant cette lettre les rendit tristes, Sidonie surtout ; elle avait beau faire, elle voyait toujours ce chiffre des appointements de son frère… se poser à côté du sien, à elle : quatre cents francs. Elle se rappelait avoir entendu dire souvent à son père en parlant d’Armand : Ce garçon-là me coûte plus de vingt mille francs. Quand l’image de son frère se présentait à sa pensée, c’est au café qu’elle le voyait, un cigare