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Non, vous aimeriez mieux le jeune Moreau, n’est-ce pas ?

Sidonie, un peu offensée, protesta qu’elle était aussi peu occupée d’un de ces messieurs que de l’autre.

— Bon ! je vous scandalise parce que je vous dis ce que je pense. C’est une habitude qu’on m’a donnée toute petite en riant de tout ce que je disais. Et, ma foi ! je la garde, parce que ça m’amuse. — Il va sans dire qu’en société… (elle se rengorgea et se mit à marcher par la chambre en se donnant des airs) je suis aussi composée que doit l’être une jeune personne comme il faut, et à marier. Vous avez bien vu, à table, comme je causais gentiment et les yeux baissés avec l’Urchin. On met toujours l’Urchin à côté de moi. Mais avec vous, qui n’êtes ni une mère-grand’ ni un épouseur… Pourtant vous avez l’air si austère !… Ma chère, de bonne foi, quel mal y a-t-il à penser tout haut ? Après tout, c’est le secret de la comédie. Personne ne croit sérieusement que nous puissions vivre uniquement de l’amour de nos mères, qui ne sont pas toutes adorables, et des fleurs que nous brodons. Ça remplit tant le cœur et l’esprit, de faire des dessins sur la mousseline avec du coton, ou de chanter des nocturnes sur le bleu du ciel et les étoiles !

Elle éclata de rire en haussant les épaules.

— Je ne demande que d’être franche avec vous, dit Sidonie ; mais je l’étais tout à l’heure en vous assurant que je n’avais aucune préférence pour ces messieurs.

— Oh ! ce serait un peu tôt. J’en aurais dit autant que vous quand je suis venue ici. Mais depuis trois ans ! Hélas !… Dans