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rien dire qu’elle ne blâme. Il paraît qu’elle tient durement son fils. Lui, passe pour un modèle, parce qu’il accompagne sa mère partout, à l’église, à la promenade, en visites ; mais peut-être ne peut-il faire autrement. Il n’a pas un sou à lui, le pauvre homme ! On dit qu’il ne veut pas se marier, parce que sa mère rendrait une bru trop malheureuse ; c’est un bon sentiment. D’autres disent que la vieille ne veut pas le marier. On assure que ce modèle des fils et ce non-modèle des mères ont quelquefois de terribles querelles. Je sais qu’une fois, maman félicitant Mme Urchin d’avoir un fils aussi complaisant, cette fée Grognon lui a répondu, de sa voix vinaigrée : — Mon Dieu, madame, après tout, Théodule ne peut se conduire autrement. Je n’en dis pas de mal ; cependant il a bien ses idées. — Mme Urchin n’aime pas les gens qui ont leurs idées. Il parait que « Théodule » a encore autre chose que des idées. On parle d’ententes secrètes entre les fermiers et leur jeune maître futur, et les mauvaises langues ajoutent je ne sais quoi au sujet d’une certaine famille d’un hameau voisin. La femme est jeune et jolie ; le mari, simple journalier, qui devrait se contenter de gagner du pain, achète de temps en temps un lopin de terre, et puis l’aîné des enfants est blond et tous les autres sont bruns. Les commérages se cultivent dans ce pays avec autant d’ardeur que le blé et les herbages.

ANDRÉ LÉO

(À suivre)