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sus de ces motifs, Mme de Néris sentit une répugnance invincible, et elle n’insista plus.

Le lendemain, un valet du château remettait à Mlle Jacquillat une petite boîte cachetée, contenant 100 francs et ce billet :

« Je n’ai pas dormi de t’avoir revue. Cruels souvenirs ! Ma pauvre Sidonie, rappelle-toi notre amitié. Rappelle-toi le doux accent avec lequel tu disais de moi, pour excuser mes folies d’enfant : — Elle est bonne pourtant, ma Berthe. Je ne puis t’exprimer combien ta situation me fait souffrir… et m’humilie !… Sois bonne pour moi ; accepte un peu de ce que je possède. Je devine tes répugnances ; mais écoute : Je n’ai ruiné personne, et l’eussé-je fait, ce n’aurait été que rendre à ceux-là ce qu’ils avaient fait à d’autres. Mon amie, ce monde est un horrible pillage : c’est à des travailleuses comme toi qu’est enlevé ce qu’on nous donne. C’est donc une restitution, et si petite !…

» Je me livre à toi, tu le vois. Ne me méprise pas trop, et aime-moi encore ; c’est-à-dire accepte. La première fois, du moins, j’aimais ; puis on m’a trompée, et ensuite… Sois bonne ; pardonne-moi. Quand veux-tu que j’aille te voir ? — Berthe. »

Sidonie pleura beaucoup après avoir lu cette lettre. Puis elle réfléchit, prit son parti en soupirant, et alla s’acheter un peu de lait avec l’argent envoyé par son amie. Depuis deux jours, le pain manquait à sa faim. Eut-elle accepté dix ans plutôt ? Peut-être. Son cœur altéré d’aimer avait depuis