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Feuilleton de la République française
du 6 février 1872

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LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]


Rochelande est un pauvre village de chaume, dominé par un vieux château, dont le parc est resté splendide, au milieu des ajoncs et des bruyères qui l’entourent. L’école est un petit rez-de-chaussée, sans autre plancher que la terre battue, divisé en deux compartiments inégaux ; le plus grand est pour la classe, et l’autre, sorte d’alcove sans air et sans jour, sert de chambre à l’institutrice. La population qui vit sur ce coin de terre aride est pauvre, laide, peu intelligente et peu soucieuse d’instruction. Mais elle est dévote, croyant aux cierges plus qu’aux bonnes œuvres, et aux loups-garous plus qu’aux saints. La principale fonction de l’institutrice est de parer l’autel le dimanche, et d’apprendre des cantiques à ses élèves, pour chanter à l’église, en chœur.

Là, pendant dix ans, l’existence de Mlle Jacquillat fut une sorte d’agonie, où le foyer de vie morale qui persistait à brûler en elle, jetait de temps à autre des lueurs désespérées, impuissantes, au milieu des té-

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.