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ressés de plus en plus, ils s’étaient enfin résumés dans ce dernier amour, le plus haut et le plus grand, celui de la race humaine. Il avait donné à Sidonie le bonheur d’être utile, bienfaisante, que font aussi goûter les autres amours ; mais avec plus d’échange, c’est-à-dire moins de grandeurs. À celui-là aussi, elle avait de nouveau donné toute son âme ; et c’était le dernier, et maintenant, quand, aussi bien que les autres, il lui était enlevé, que lui restait-il ?

Car la lettre du recteur était formelle : ce n’était qu’à la condition d’abdiquer sa propre pensée, de se faire l’exécuteur machinal du règlement, le répétiteur pur et simple de la méthode ; ce n’était qu’à la condition de mentir à ses sentiments, d’affecter des croyances qu’elle n’avait pas, et de cacher soigneusement ce qu’elle croyait conforme à la vérité et nécessaire au développement de ses élèves, ce n’était qu’à cette condition qu’elle pourrait recevoir 4 à 500 fr. par an, du pain, en échange de sa liberté, de sa vie morale, de sa conscience !

D’abord, elle recula d’horreur, d’indignation ; elle se dit que mieux valait tout de suite mourir ; elle caressa l’idée du suicide. Puis, elle n’osa pas ; sa conscience, là-dessus, n’était pas bien édifiée ; le scandale et le déshonneur, qui, à la campagne, surtout, s’attachent à cet acte, la faisaient souffrir, et surtout à cause des idées qu’elle avait soutenues et en quelque sorte représentées, elle ne voulut pas ; cette mort les eût condamnées avec elle-même, et M. le curé en eût tiré un parti trop beau. — Un instant elle eut la pensée de rester dans le village