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assez négligemment, chose étrange ! car la population de Boisvalliers, en deux camps, s’injuriait autour de cette citerne depuis dix-huit mois. On en était même venu aux coups, et deux procès s’en étaient suivis, outre le procès principal.

Un tel phénomène ne pouvait être dû qu’à la présence de l’institutrice, et il n’y avait pas à en douter, en voyant les regards furtifs que les deux jeunes gens jetaient sur elle. Une fois, Sidonie surprit ces regards et en ressentit une émotion de pudeur souffrante, sans bien savoir pourquoi. Elle n’était pas encore habituée à l’air dont les hommes regardent une fille pauvre, que la présence d’un père ne protége plus.

À table, placée près du jeune Moreau, il lui adressa la parole avec la politesse affectée et gauche des hommes sans éducation vis-à-vis des femmes.

Ce beau garçon, dont les manières et le langage trahissaient de toutes parts la fraîche origine paysanne, produisit tout d’abord une impression peu favorable sur Sidonie. Cependant, sous la gaucherie des manières d’emprunt, perçaient une rondeur native et une spontanéité juvénile, qui éveillèrent en elle plus de sympathie. Le jeune homme lui parla de Beauvais, de Paris, où il avait fait un voyage, des villes enfin, ayant à cœur de prouver, comme tout habitant de village, qu’il connaissait leur vie, leurs usages, et se trouvait à la hauteur de leurs habitants.

Mais, sur ce point, M. Urchin l’éclipsa. Il avait fait, avant la mort de son père, une année de droit à Paris. Seulement il y avait