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rette, l’une déjà grisonnante, l’autre âgée de vingt ans à peine ; toutes les deux vêtues de noir et portant le costume des femmes de la bourgeoisie. On apercevait derrière elles, entassés, des pieds de table, des dossiers de chaises, des paquets, toute l’apparence d’un déménagement. On était à la fin de septembre, et l’air du soir devenait piquant ; les voyageuses serrèrent leur châle autour d’elles, et la plus âgée demanda : « Est-ce encore bien loin ? »

Le conducteur étendit le manche de son fouet un peu sur la gauche, vers un fouillis d’arbres, logé dans la courbe d’un côteau, et que perçait un clocher surmonté d’un coq.

— Voyez-vous là-bas, dit-il. C’est ça Boisvalliers. Nous y sons dans dix minutes.

— Cela n’a pas l’air d’un endroit bien important, dit en soupirant la dame âgée.

— Ah dame ! ça n’est pas si gros que Beauvais ; mais tout de même un bon endroit. Il n’y manque pas de gens à leur aise. Tenez, voyez-vous à présent ce toit d’ardoises, après cet ormeau, c’est la maison du maire, M. Moreau.

— Ah !… qu’est-ce que cette famille ?

À cette question directe, la physionomie toute picarde du conducteur se ferma tout à coup, il cligna de l’œil, et avec une nonchalance affectée :

— Eh bien, je vous dis, c’est le maire de not’commune.

— Je veux dire : Est-ce un homme à voir ? demanda la bourgeoise d’un ton de marquise.