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une institutrice ; je ne vois que ça. Aimez-vous les enfants ? demanda-t-il, en se penchant vers elle, d’une voix qu’il s’efforçait de rendre tendre et qui larmoya.

— Oui, répondit-elle, presque à voix basse.

— Pas beaucoup, peut-être ? reprit M. Lucas, avec une grimace d’indulgence. Eh ! mon Dieu ! cela vaut mieux : on ne les gâte pas. Il faut surtout dans l’éducation de la fermeté.

Prenant le ton de la confidence, il parla de son isolement, de sa situation difficile vis-à-vis de ses filles, qu’il ne pouvait surveiller suffisamment. Pendant qu’il faisait sa classe et pendant qu’il allait porter ses leçons au noble héritier des Gerbie, il avait besoin d’un autre lui-même qui appliquât à ses filles son système d’éducation, et tînt la main à l’exécution rigoureuse de ses ordres.

— En un mot, dit-il enfin, j’ai résolu de me remarier, et comme les qualités du cœur et de l’esprit sont les premières à mes yeux, je ne veux tenir compte ni de la fortune, ni même de la jeunesse. Il me faut une compagne douce et bonne et en même temps de manières distinguées ; car ma femme sera souvent invitée au château et devra fréquenter Mme la comtesse…

Il cessa de parler, et s’arrêta en même temps, penchant un visage amoureusement béat vers Sidonie, pour juger de l’effet de ses paroles.

Ils étaient arrivés au bout de l’allée, près d’un saule, dont les branches inférieures rasaient la terre. Là, souvent autrefois, Sidonie venait s’asseoir, quand elle se trouvait libre, le soir, un moment. Oh ! quels rêves elle avait faits là ! toute pleine encore