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L’INSTITUTRICE[1]
M. Lucas racontait son enfance passée au séminaire. — Au séminaire, cela se sentait.
— Ah ! j’ai gardé de ce temps de bien bons souvenirs, et, ce qui vaut encore mieux, de bonnes connaissances. Je suis lié avec la plupart des curés de nos environs ; ils m’invitent souvent et me considèrent beaucoup ; et ça, voyez-vous, pour un instituteur, c’est comme les racines pour un chêne ; on n’est pas solide sans ça. Êtes-vous bien avec votre curé, mademoiselle ?
— Non, dit Sidonie ; cela est bien difficile. Ces messieurs veulent ordonner chez nous et nous transformer en sacristains. Je n’ai jamais aimé ces commérages d’église, et l’on m’en veut de cela.
— Oh ! mais, vous avez tort. Vous n’entendez pas vos intérêts. Vous m’étonnez, et c’est là, permettez-moi de vous le dire, une erreur de jugement. Moi, je ne suis pas cagot plus qu’un autre ; mais j’ai compris ça depuis longtemps, et quand je vois certains de mes confrères faire les voltairiens, j’en hausse les épaules. Qu’est-ce qu’ils croient gagner à cela ? des ennuis, à coup sûr, et pas un sou avec.
— Mais, dit-elle, nous ne dépendons pas de l’Église, mais de l’État.
- ↑ Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.