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petits savants, puisqu’ils n’auraient qu’à se mettre dans la tête le résultat des travaux de tous ces grands hommes qui résument leurs pensées et leurs découvertes en maximes et en définitions.

Sidonie écoutait M. Lucas avec un étonnement pénible. Elle se demandait par quel miracle des choses aussi étrangères à l’esprit de l’enfant lui pouvaient être de quelque utilité, et si l’ingurgitation suffit à rendre les substances assimilables. Cependant, elle n’osait se prononcer contre les assertions d’un homme aussi considérable que M. Lucas. En outre, l’habitude de vivre solitaire la rendait timide à exprimer sa pensée ; puis, la méthode qu’elle venait d’adopter, elle y était surtout arrivée par le sentiment, et ne l’avait pas suffisamment élaborée pour en bien rendre compte et surtout la soutenir par des arguments victorieux. Elle resta donc silencieuse, et quand le moment vint de se retirer, elle avait à peine prononcé vingt paroles dans toute la soirée.

— On doit me croire sotte, pensait-elle.

Pourtant, M. Lucas la salua d’un air de grande courtoisie, et qui semblait empreint d’une considération toute particulière. Et il resta debout, l’accompagnant de regards satisfaits qui brillaient derrière ses lunettes, jusqu’à ce qu’elle eut quitté la chambre. Il se rassit alors au coin de la cheminée (les soirées de septembre commençaient à être piquantes), écarta les jambes avec plus de désinvolture, prit les pincettes et se mit à tisonner d’un air composé.

— Eh bien, demanda M. Maigret, comment la trouvez-vous ?

— Pas mal ; un peu pâlotte, un peu maigrelette, mais… ma foi, pas mal du tout.