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sa cravate. Son visage, grêlé de petite vérole, offrait un front fuyant, un nez gros, une bouche mince, meublée de grosses belles dents, un menton de forte carrure. Ses cheveux étaient noirs et plats. De tout cet ensemble, qui, sans cela, n’eut pas été peut-être bien imposant, se dégageaient, en effluves pleines d’intensité, une satisfaction intime, une secrète complaisance, un aplomb d’homme qui sait ce qu’il vaut, toutes choses qui ne manquaient point leur effet et impressionnaient les gens. M. Lucas jouissait de la réputation d’un homme très-instruit ; instituteur au bourg de Gerbie, il donnait des leçons au fils du comte, qui le recevait à sa table. On ne pouvait rester dix minutes à côté de M. Lucas, sans entendre parler du comte de Gerbie, et Sidonie ne tarda pas à être instruite des nobles usages de cette maison. Elle entendit aussi le comte lui-même, cité par M. Lucas, et chaque fois que le comte parlait à M. Lucas, il disait : Mon cher ami. On aurait pu douter si c’était affabilité naturelle, on en raison du grand mérite de M. Lucas ; mais les commentaires de celui-ci ne laissaient à cet égard aucun doute. Le comte de Gerbie ne pouvait se passer de lui. Malheureusement, M. Lucas avait tant d’occupations !… sa classe à faire, ses filles à diriger…

— Vous savez qu’il est veuf… depuis deux ans ? murmura Mme Maigret à l’oreille de Sidonie. Il faisait bon ménage avec sa première. Une petite femme bien douce. Et il a deux filles. C’est un homme à remarier.

On se mit à table, et Sidonie fut placée à côté de M. Lucas.

Entre ces trois instituteurs — Mme Mai-