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voyer les enfants à l’école, dit Marceline en prenant la main de sa sœur. Oh ! comme nous serions contentes !

Et elles s’éloignèrent toutes deux, la petite boitant un peu. Sidonie, pendant cette conversation, s’était arrêtée. Et elle demeura immobile après quelque temps encore. Puis, essuyant ses larmes, elle se mit à songer, en marchant lentement dans le jardin, la tête penchée sur sa poitrine, insensible à l’air frais du soir, qui rendait ses joues plus pâles et rougissait ses mains nues, ainsi qu’au brouillard fin qui noyait au-dessus d’elle le sommet des arbres, et distendait l’écorce des bourgeons.

Les paroles de l’enfant avaient touché vivement le cœur de l’institutrice. Tout à l’heure, elle souffrait avec amertume de l’inimitié de ses élèves. Et, à leurs yeux, elle passait pour un bourreau ! Elle sentait surtout la justesse de ce reproche, qu’elle n’avait aimé que Rachel. Oui, c’était bien vrai ; c’était pour elle seule, pour cette enfant adorée, que l’institutrice avait compris et redouté l’ennui, l’inutilité des études littérales et le danger des longues classes. Elle ne s’était occupée que pour Rachel de rendre la science agréable et vivifiante ; elle n’avait eu de pitié, d’amour et de soin que pour Rachel.

« On la lui a ôtée ; c’est bien fait ! » Ces paroles de la petite fille retentissaient à l’oreille de Sidonie comme une condamnation. Elle comprit alors combien d’égoïsme encore un grand amour peut contenir et entrevit comme on découvre de loin, dans