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lement, avec la mission d’enseigner, l’obligation de contraindre. L’enfant, plus près de la nature, obéit moins volontiers que l’homme, et se dérobe aussi plus facilement. Plus faible, plus malléable, plus fluide, il glisse, il échappe, il fuit. Son irresponsabilité est une force ; son inertie est invincible ; son rire est une arme qui frappe au cœur. La lutte en apparence est bien inégale ; ce petit être qu’une main soulève, ce mirmidon d’avance n’est-il pas vaincu ? N’a-t-on pas sur lui tout pouvoir ? Non, car d’un geste, d’un sourire, d’un silence, il dépose son maître. Pour l’esclave — un instrument — l’obéissance matérielle suffit, mais en éducation, qui ne possède point le respect n’a rien. C’est là le terrain le plus délicat et le plus âpre de la lutte entre la liberté et l’autorité, et le plus souvent vaincu c’est le maître. On n’a peint jusqu’ici que les maux de l’esclavage ; l’humanité pensante a versé toute sa pitié sur les opprimés. Qui peindra maintenant les douleurs, les solitudes et les amertumes du despotisme aura porté le dernier coup à ce vieil esprit de domination, que l’homme n’abjurera point sans doute, tant qu’il y croira trouver des joies.

C’était un jour de février, dans l’après-midi. Les enfants, après la récréation, venaient de rentrer en tumulte, et le bruit des bancs, des pupitres, des règles, et le froissement des papiers, et les récriminations à droite et à gauche, s’étaient prolongés plus que de raison. Plus d’une fois, l’institutrice avait élevé la voix et frappé sur son pupitre en réclamant le silence. Elle avait promené sur la jeune assemblée des regards sévères, et avait re-