sa fille chez l’institutrice. Quand il eut disparu avec l’enfant, Sidonie s’affaissa derrière une haie ; sa tête pencha sur ses genoux ; ses mains se joignirent. Elle se sentait détachée du monde comme la feuille que chasse le vent. De quoi vivre maintenant ? — Et pourquoi vivre ? Une faiblesse la reprit ; il lui semblait descendre en tournoyant au fond d’un abîme. Ah ! si elle pouvait descendre jusqu’au point où se perd le sentiment de la vie ! Mais non, son cœur se reprit à battre, et elle l’entendait dans le silence. Oh ! pourquoi ce cœur lui avait-il été donné, à elle qui ne pouvait être ni amante, ni mère, à elle qui ne pouvait pas aimer ?
CHAPITRE V
M. Moreau tint parole à Sidonie. Pendant quelque temps, il lui amena sa fille à peu près tous les dimanches. Mais vint l’hiver : la pluie, la gelée, la neige rendirent les communications difficiles, et ce fut à peine si, une fois par mois, Rachel parut à Messaux. Ernest, d’ailleurs, avait à lutter sur ce point contre une opposition sourde, mais constante, l’opposition féminine, si puissante dans les détails d’intérieur. La bonne volonté de M. Moreau était sincère ; mais elle se fatiguait vite. Et puis, bien qu’il eût de l’attachement pour Sidonie, il n’était pas éloigné de la regarder comme une personne un peu singulière, une tête exaltée, ce qui, à la campagne, et surtout aux yeux d’un propriétaire rural, implique une déconsidération fatale. Depuis le jour où elle lui avait laissé voir ses opinions religieuses, il ne regrettait plus qu’elle n’eût pas la direc-