Page:Leo - L Institutrice.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle n’y pensait plus ; c’était son enfant chérie qu’elle voulait sauver, défendre… et elle ne pouvait pas, elle qui se sentait dans le cœur des forces immenses. Oh ! qui dira jamais les révoltes de ces humbles, que le poids du monde écrase, à qui jamais le destin n’accorde une heure de pouvoir et qui étouffent de puissances vraies, refoulées ?

Elles commençaient à se parler un peu, quand Ernest revint. Il était toujours attristé, mais surtout embarrassé, comme un homme qui songe plus à se dégager d’une situation qu’à l’approfondir. Il sermonna Rachel, qui s’était mise à pleurer en comprenant qu’elle ne suivrait pas son amie, puis il s’excusa près de l’institutrice :

— Pour lui, ce n’était pas sa faute ; il lui eût laissé la petite encore volontiers ; mais, dame ! il ne pouvait pourtant pas tenir tête à tout le monde. Et il s’agissait aussi de l’intérêt de l’enfant. Certainement, elle était heureuse avec Sidonie ; mais ce n’était pas tout. Il fallait bien qu’elle fût élevée comme les autres, et qu’elle apprît à ne pas faire toutes ses volontés.

— Mon Dieu, que faut-il donc faire ? Elle le fera. N’est-ce pas, Rachel ?

— Oui, dit la petite.

— Eh bien voyons, le catéchisme, n’est-ce pas ? Et puis ?

— La grammaire, dit Ernest.

— Et puis la grammaire.

— Et l’histoire sainte.

— Et l’histoire sainte, je vous le promets.

— Que voulez-vous ? Ça ne dépend pas tout à fait de moi maintenant. C’est arrangé entre ma femme et M. le curé. Ma femme veut garder sa fille ; vous comprenez.

ANDRÉ LÉO

(À suivre)