— Non ! non ! oh ! lui ne veut pas, j’espère, il ne sera pas si dur…
— Il s’en était chargé… Eh bien, mademoiselle, je vous remercie, je suis donc dure, moi ?… Il est assez naturel, pourtant… C’est notre enfant ; ce n’est pas la vôtre. Il y a vraiment des gens extraordinaires… Eh bien ! elle se trouve malade, je crois…
Oui, le coup était trop fort pour la pauvre fille. Sa seule joie en ce monde ! le dernier amour de sa vie !… Sa Rachel !… C’était vraiment lui retirer l’âme, et elle crut mourir.
En la voyant, toute blanche, osciller et se pencher vers le sol, Mme Moreau jeta de grands cris, la soutint et la replaça sur sa chaise ; on accourut de la cuisine, deux ou trois personnes, et bientôt Ernest.
— En voilà une scène ! criait Mme Moreau, mon Dieu ! suis-je saisie !
Et tandis que l’on secourait Sidonie en lui mettant sous le nez un flacon de vinaigre et en lui baignant les tempes, la jeune femme reprochait à son mari de l’avoir exposée à de tels ennuis en négligeant de prévenir l’institutrice. À ces aigres paroles, il répondit brutalement, et Sidonie, en reprenant ses sens, se vit le sujet d’une querelle conjugale. Sa délicatesse et sa dignité lui rendirent un peu de force. Elle se leva et voulut partir. Ernest lui donna le bras pour la reconduire. Comme ils sortaient :
— Seulement, lui dit-elle d’une voix brisée, laissez-moi l’embrasser…
— Assurément ! dit-il.
Et il demanda à une domestique où était Rachel.
— Oh ! toujours dans la chambre là-haut, puisque Madame la tient renfermée pour son catéchisme.