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de souffrir, et maintenant elle ne pouvait la sauver, et ses faibles mains, en vain crispées par le désespoir, la laissaient glisser dans la fosse !

Dès les premiers jours de la maladie, Mme Moreau avait repris Rachel. Sidonie ne l’avait point vue partir sans appréhension et sans peine ; mais elle s’était dit qu’il valait mieux pour l’enfant respirer pendant quelques jours le grand air de la ferme plutôt que les miasmes de la fièvre ; plus tard encore, elle s’applaudit de la voir éloignée de la scène funèbre. Mais quand, au retour du cimetière, elle se trouva seule, seule à jamais, privée de cette présence maternelle, dont ses yeux, son cœur, toute sa vie avait l’habitude, si bien que d’instinct, au milieu de son déchirement et de ses regrets, elle la cherchait encore, Sidonie ne vit plus dans ce naufrage qu’un secours, dans sa vie sombre plus qu’une lumière, et s’écria, les bras tendus vers l’image de son enfant adoptive : Rachel ! Rachel !…

Et elle l’attendit, trouvant les parents bien cruels de ne pas la lui renvoyer de suite. Enfin, elle reviendrait le dimanche au moins sûrement, et Sidonie la reprendrait à l’église. Elle s’y rendit, le cœur saisi, au milieu de sa douleur, par la joie de cette attente et frémissant d’avance, en songeant à l’embrassement passionné de la chère petite, quand elle verrait son amie triste et en deuil. Aussi se promit-elle d’être forte pour ne pas trop émouvoir l’enfant.

ANDRÉ LÉO

(À suivre)