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dans ce qu’elle pouvait, en détachait la simple aventure, et s’y énervait. Cependant, l’habitude qu’elle avait prise d’observer par elle-même et le goût de savoir la portaient dès ses premiers pas au-delà des autres écolières. Dans ses études capricieuses, elle semblait effleurer à peine chaque sujet ; mais tandis que ses compagnes, appesanties sur leurs bancs et leurs pupitres, répétaient la lettre sans y songer, elle avait saisi le procédé et compris le sens. Pour la géographie, dont Sidonie avait rempli leurs jeux et leurs entretiens, cette géographie complète, qui joint au nom du lieu sa faune et sa flore, l’homme et l’histoire, la nature et la science, Rachel était monitrice des grandes. À côté de cela, elle refusait d’apprendre la grammaire, et l’institutrice ne l’y obligeait pas. Toutes ces immunités rendaient les autres jalouses. Le maire et le curé firent des observations. Quant à Mme Moreau, elle disait :

— Cette enfant est trop intelligente. Voilà pourquoi on ne l’enseigne pas comme les autres ! Elle saurait tout bientôt, et l’on n’aurait plus de raison de la garder. C’est un calcul.

Rachel avait neuf ans, quand Mme Jacquillat tomba malade. Arrachée brusquement, à quarante-cinq ans, au confortable de la vie bourgeoise, au sein de laquelle elle avait toujours vécu, soumise à des privations excessives, à l’heure même où sa vitalité languissante réclamait plus de secours, la mère de l’institutrice avait graduellement perdu ses forces et vieilli double en ces treize ou quatorze ans. Une fièvre qui régnait dans le village, tombant sur ce corps