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quelques heures d’attention lui avaient suffi pour assurer ces notions éparses. Elle n’en fut pas moins charmée, reconnaissante, et combla l’enfant de baisers. Fière de son succès, Rachel consentit à se fortifier par de nouveaux exercices, et bientôt après, un dimanche, lors de la visite de sa mère, elle vint avec son livre et d’un ton sérieux, convaincu, même avec les inflexions convenables, car elle était fort intelligente, elle lut à ses parents l’histoire du lion d’Androclés. Quel jour de triomphe ! Comme le visage de Sidonie rayonnait ! Et comme elle avait peine à moduler sa voix que l’émotion entrecoupait. Mme Moreau pourtant ne parut satisfaite qu’à moitié.

— Maintenant, il faut apprendre à écrire, dit-elle.

Rachel se recula, interdite.

— Je le voulais, dit-elle d’un ton chagrin.

Maintenant, en effet, qu’elle avait gouté les joies d’un progrès, elle se sentait entraînée vers d’autres. La volonté réfléchie naissait ; aux faiblesses paresseuses de l’enfance, avide d’objets, bercée par les harmonies de la nature, allaient succéder les ardeurs de l’adolescence. L’être de combat, que renferme tout humain, venait de s’agiter chez l’enfant, pressentant confusément un monde nouveau, le monde du travail et de la conquête, moins doux mais plus vivant ; moins facile, mais dont les douleurs les plus aiguës sont plus chères aux fils de la pensée que les sommeillantes béatitudes. Déjà Rachel s’était dit secrètement :

— Je saurai bientôt écrire. Le Il faut de sa mère glaça la moitié de son ardeur.

(À suivre)

ANDRE LÉO