Page:Leo - L Institutrice.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle pressa de nouveau Rachel d’apprendre à lire ; même elle eût voulu exiger quelque assiduité aux classes ; mais le courage lui manquait pour astreindre à une longue immobilité, à l’étude aride du mot et de la formule, la jeune et féconde activité de sa chère enfant. Un jour que Rachel de nouveau refusait d’ouvrir l’abécédaire, Sidonie fondit en larmes :

— Si tu ne veux pas lire, dit-elle, ta mère sera fâchée et te reprendra. Veux-tu me quitter ?

L’enfant, toute saisie, se jeta dans les bras de Sidonie, cria, pleura et promit. Le lendemain, elle ne sembla pas se souvenir ; cependant elle assista à la classe pendant la leçon de lecture ; puis feuilleta longtemps son livre d’histoire naturelle, où les animaux étaient peints avec leurs noms et leur histoire. Quelques jours se passèrent, et Sidonie se disait avec chagrin que la vive émotion causée par sa menace n’aurait été que passagère, quand Rachel, un jour, vint à elle, tenant à la main son livre de zoologie, et, l’ouvrant, dit tout à coup.

— Vois-tu, m’amie, je sais lire.

Cette fanfaronnade fit sourire l’institutrice.

— Comment saurais-tu lire, méchante enfant, puisque tu n’as pas étudié ?

— Tiens, vois.

Et l’enfant se mit à lire, en effet, assez incorrectement, mais disant cependant la plupart des mots. Sidonie, sur le moment, crut à un miracle ; tous les enfants tous les enfants adorés en sont capables. Elle comprit ensuite qu’à force de traverser les classes et de voir des lettres assemblées, Rachel avait reçu d’elle-même, sans le vouloir, les notions de la lecture, et que