— Ça m’ennuie, dit la petite.
— Ma chérie, fais cela pour me faire plaisir.
L’enfant regarda son amie avec surprise.
— Ça ne peut pas te faire plaisir de m’ennuyer ! lui dit-elle.
Sidonie chercha à l’intéresser en piquant sa curiosité ; mais Rachel déclara qu’elle aimait mieux les contes de sa bonne amie que ceux des livres.
En effet, peu à peu, dans ces récits, coupés, à leur gré, de longues digressions, l’enfant puisait dans les yeux de son amie des émotions, des révélations que les livres ne pouvaient lui donner encore. L’enfant qui commence la science est comme l’enfant qui commence la vie, il lui faut une alimentation appropriée à sa complexion ; il faut que la parole, pour se verser en lui, ait passé, comme le lait, par le sein d’une autre nourrice.
Sidonie avait toute la tendre faiblesse des mères ; elle se rendit à la résistance de la fillette.
En attendant, leurs entretiens devenaient de plus en plus touchants et sérieux. En enseignant à sa chère enfant la bonté, le secours mutuel, la justice, sublime fraternité, Sidonie se sentait grandir. Elle découvrait un peu tout cela à mesure, et le coordonnait, le soir, en veillant le sommeil de son enfant. Dans cette tâche noble et pure, son cœur, gonflé d’enthousiasme, la soulevait. Elle marchait légère et forte dans cette vie jusque-là si aride pour elle : elle était heureuse.
Vers la fin de la troisième année pourtant, excités par de nouvelles observations,