Page:Leo - L Institutrice.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutefois, tant par sentiment de son impuissance à établir de vraies réformes que par cet égoïsme qui se mêle à l’amour, Sidonie ne fit jouir que très secondairement ses élèves du changement qui s’opérait en elle sous l’influence de Rachel. Elle donna de plus en plus toute son âme à cette enfant, qui de son côté l’aima bientôt avec l’ardeur que mettent les enfants dans leurs préférences. Après la classe, pendant laquelle Rachel avait conquis le droit de se promener dans la maison, tout au travers des criailleries de Mme Jacquillat dont la petite d’ailleurs ne s’occupait guère, après la classe, la mère et l’enfant adoptive ne se quittaient plus, et alors commençait une classe nouvelle, toute composée de pourquoi et de parce que, où l’élève et la maîtresse apprenaient ensemble. On y faisait du dessin avec de la glaise, de la géographie et de la géométrie sur le sable de la cour, de la botanique au jardin, de la chimie à la cuisine, de la logique partout et de l’hérésie à faire frémir la Sorbonne et le Vatican.

— Commence-t-elle à savoir son catéchisme ! avait demandé Mme Moreau.

Et Sidonie, en soupirant, avait commencé le catéchisme. Mais, dès les premiers mots, l’enfant l’avait arrêtée en disant : Je ne comprends pas.

Sidonie alors avait essayé d’expliquer. Mais elle aussi, après l’enfant, dut se dire : Je ne comprends pas.

— Qui peut savoir ce qu’il a dit, le bon Dieu, m’amie, puisqu’on ne peut pas le voir, et qu’il ne parle jamais.

(À suivre)

ANDRE LÉO