Page:Leo - L Institutrice.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noir. Elle croyait sincèrement qu’avec de la fermeté, on refait comme on veut le caractère des enfants. Affaire de sculpture et de pétrissage. Aussi resta-t-elle ébahie quand sa fille, un peu pâle, vint lui prendre l’enfant dans les bras, et la porter dehors, près de la pompe, où elle lui baigna le front et les yeux.

— Es-tu folle ? s’écria-t-elle.

Et voyant des larmes dans les yeux de Sidonie, elle resta stupéfaite et murmura :

— Elle est folle de cette enfant !

Oui, c’était un soulèvement de passion qui gonflait le cœur de Sidonie, toutes les fois qu’elle sentait Rachel blessée dans un besoin légitime de sa nature. Elle se sentait alors héroïque, et ces explosions de sentiments la conduisaient toujours à des raisonnements nouveaux et plus assurés. Maintenant seulement elle comprenait l’enfance, elle qui, depuis dix ans, mettait consciencieusement en action le système compressif et autoritaire, qui, à dater de la première théocratie a substitué le règlement à la loi, la discipline à la raison, le système à l’homme. Elle sentait son erreur, et elle eut souvent le désir de la réparer, à l’égard de ses autres élèves aussi bien que de Rachel. Mais comment faire ? Elle-même, comme institutrice, n’était pas la moins emprisonnée par le règlement. Elle osa seulement couper, par un quart d’heure de récréation, ces quatre grandes mortelles heures. Le conseil municipal n’y fit pas attention, et le curé, très occupé d’autre part, n’y prit pas garde. Les enfants, un peu rafraîchies par ce mouvement, qui détendait leur cerveau, comprenaient mieux pendant l’heure suivante.