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rel de sa vie morale ; car de telles joies sont libres ou n’existent pas. Mais, en attendant, toute pénétrée de sa propre vie, comme sont, comme doivent être les enfants, elle ne pouvait être touchée que par ses propres désirs, éclairée que par ses propres aperceptions, stimulée que par ses aspirations actuelles. À lui imposer une loi étrangère à elle, qu’obtiendrait-on ? Elle la subirait et ne s’en pénétrerait pas. Elle en souffrirait seulement, et la nature et la loi vivraient liées l’une à l’autre, mais non point unies, se blessant mutuellement, dans ce désaccord où pour la première fois Sidonie vit clairement que vivaient à peu près toutes les créatures humaines. Non, ce n’était pas ce mélange hétérogène d’instincts et de préjugés, cette contradiction imbécile ou hypocrite, de l’acte et de la doctrine cette vie trouble, confuse, immorale et tourmentée, qu’elle rêvait pour son enfant. Ce qu’elle rêva, ce fut l’identité des sentiments et de la raison dans le vrai, ce fut l’accord du devoir et du bonheur. Croyante, parce qu’elle aimait, et l’objet de son amour étant humain, l’humanité même en germe, c’est-à-dire l’enfant, elle partait nécessairement du point opposé à celui de l’amour céleste. La vie, la nature devenaient pour elle sacrées. Elle devait les suivre, non les combattre.

Mais alors que devenaient la loi religieuse et la loi civile, qui, l’une et l’autre, recommandent à la femme l’obéissance, l’abnégation, en un mot l’immolation de sa volonté, de son caractère, de ses désirs ! L’immolation, à qui ? À une autre volonté ? — Mais laquelle ? Pourquoi ? Quels droits une volonté humaine a-t-elle de plus qu’une