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Feuilleton de la République française
du 17 janvier 1872

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LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]


Fallait-il combattre cette volonté ? Sans doute, si la première des vertus est l’humilité, si le devoir est le sacrifice et la vie une simple épreuve. — Mais d’où venait cette appréciation et quelle était sa valeur ? Sidonie se le demandait, en face de cette autre affirmation toute contraire et qui avait pour elle l’évidence, la réalité : la vie épanouie chez l’enfant dans toute sa force ingénue, heureuse d’elle-même, pénétrée de ses destinées, et faisant d’elle-même son propre objet. La vie doit-elle renier la vie ? Que peut-il exister en dehors d’elle ? L’être peut-il s’abdiquer ? L’esprit de Sidonie se perdait dans ces questions ; mais sa volonté n’hésitait pas : elle voulait que son enfant fût heureuse.

Et le paradis ! Ah ! sans doute… Mais avant, c’était le plus sûr. Qu’on interroge toutes les mères sur ce point, il n’y a pas de chrétiennes.

Heureuse, comment ? Cette petite fille, évidemment, ne pouvait l’être à la façon d’une sainte Thérèse. Plus tard, peut-être, elle saurait atteindre aux joies supérieures du dévouement, par le développement natu-

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.